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Regards croisés sur la voix

La voix est une énigme.

Elle recèle une part de mystère.

  • D'où vient-elle, celle qui nous accompagne de notre premier cri jusqu'à notre dernier souffle ?
  • Qui n'est pas tombé, un jour, sous le charme d'un grand soliste ?
  • Qui n'a pas été séduit par la puissance charismatique de certains orateurs, d'hommes politiques ?

Des scènes d'opéra à la Star'Ac, elle nous renvoie toujours à nos passions, nos désirs, une quête dans l'invisible inscrite en tout auditeur et en tout chanteur. Mais qui pourra décrypter la partition de cette musique située à la frontière de la pensée et du langage ?
Comment quelques phonèmes accompagnés de sons peuvent-ils nous transporter intérieurement vers des réalités immatérielles, un autre monde… et parfois même, nous transformer ?

La voix intrigue

La voix intrigue

Les sociétés primitives n'ont pas cherché à percer son secret. Pour elles, il est de l'ordre du divin.

Les mythes les plus primitifs décrivent la création du monde comme l'expiration d'un son, nous dit Marie-France Castarède dans son livre " la Voix et ses sortilèges ". 

La source dont procède le monde est acoustique.

L'homme est né du son, son essence est par conséquent sonore. Ainsi, sa nature est caractérisée par deux chants : le cri du nouveau-né, le son fondamental (qui d'après une croyance très répandue attire l'âme dans le corps et détermine le nom intime) et " la chanson individuelle " dont la mélodie exprime le rythme de sa propre personnalité.

Dans l'antiquité grecque, on retrouve encore cette idée que la voix, c'est l'homme. Le chant est l'âme ou le véhicule de l'âme. Platon ne disait-il pas que la voix est le reflet de l'âme ? Pour lui, l'art des sons est incantatoire.

Dans toute religion, la voix et principalement le chant, est le mode de communication avec les dieux. La musique est magique.

Tout sorcier doit savoir chanter pour séduire les dieux. Parmi les mortels, le musicien au chant lumineux est celui qui ressemble le plus aux dieux.
Et le mythe d'Orphée reprendra cette idée : la beauté, l'inspiration, la muse peuvent toucher les dieux et ouvrir un passage entre le royaume des morts et celui des vivants.

La tradition judéo-chrétienne, quant à elle, se démarque par l'introduction d'une autre dimension : le langage. "Dieu dit : " que la lumière soit " et la lumière fut… "

Dieu crée librement par une Parole portée par la voix. Dans la Bible, Dieu se révèle par un nom que l'on ne prononce pas. Il se rend présent par la voix. La Révélation s'achève dans le Christ, qui est lui-même le Verbe. Et celui qui confesse, autrement dit qui proclame " de sa bouche ", que Jésus est le Sauveur, celui-là est sauvé.
La voix est cette fois instrument du salut.

Du culte au culturel

Au-delà de toute croyance, il ressort de toute cosmogonie que la voix a créé l'homme. Mais l'anthropologue, pour sa part, verra le phénomène dans un autre sens : cet organe unique de la phonation a permis le langage qui caractérise l'homme. Pour Derrida, l'histoire de la conscience est inséparable de l'histoire de la voix.

La musique vocale appartient donc à toutes les cultures. Elle a toujours fasciné. Même dans un contexte religieux, elle a été l'objet de beaucoup d'excès. Dans un passé pas si lointain, les castrats étaient adulés pour leur voix hors du commun, " miraculeuse ". Ils incarnaient un idéal inaccessible de pureté, " d'angélisme ". Seulement, ces stars des grandes cours européennes payaient le prix de la stérilité pour entrer au panthéon des artistes.
Cependant, force est de reconnaître la puissance de l'effet qu'ils produisaient sur leurs publics. Ils attiraient par la beauté exceptionnelle de leur voix mais aussi par les vertus dites thérapeutiques de leur chant. Farinelli terminera sa carrière légendaire au service de Philippe V d'Espagne. Son chant sortait quotidiennement ce roi de sa neurasthénie. Alors, pouvoir magique, religieux ou musicothérapie ?

Pendant très longtemps, la technique vocale a reposé sur un savoir empirique. Il faudra attendre le vingtième siècle pour que la science s'intéresse au phénomène vocal et commence juste à comprendre son fonctionnement. L'odologie, (du grec ôdê = chant et logos = science) l'étude de la voix, existe depuis peu de temps. Le terme a été homologué par le Conseil International de la Langue Française, et a fait son entrée dans les dictionnaires seulement en 2002. Autant dire que la voix n'a pas encore révélé tous ses secrets.

Le miroir de la personnalité

La voix énergie

On lui prête un caractère divin. Pourquoi ? Peut-être parce qu'elle renvoie à l'invisible, à l'impalpable. Peut-être parce qu'elle révèle aussi une part cachée de la vie intérieure des personnes, de leurs émotions, de leur intimité, des réalités profondes, parfois enfouies…

Pour Jacques Bonhomme, auteur du livre " la voix énergie ", la voix est la carte d'identité de l'homme car tout est en elle dans le timbre, la hauteur, l'intensité et les intonations. A travers sa voix l'homme se dit, l'être se donne dans un perpétuel échange entre ce qu'il ressent de lui-même (impression) et cet espace du dehors (expression) avec ses objets de désir et ses dangers potentiels.

Dans son ouvrage, " la voix libérée ", Yva Barthélémy cerne les personnes, ses futurs élèves, au son de leur voix. Il suffit de les entendre une fois au téléphone pour entrevoir un caractère et une personnalité. La voix séduisante, stressante, désinvolte, dépersonnalisée… Il existe au moins 180 qualificatifs pour identifier une voix. De là, il est facile à ce professeur de chant de déduire les motivations, la sincérité, presque le déroulement des futures séances.

Alfred Tomatis, fait l'opposition entre la voix du cycliste dirigée vers le bas (les jambes - sa voix retombe souvent) et la voix de certains moines dirigée vers le ciel et montant sans cesse dans les finales. Centres d'intérêts, tournures d'esprit… tout transparaît dans la voix.

Par exemple, nous dit Jacques Bonhomme, psychophonologue, une voix courte assortie d'un langage saccadé et consonnant indique une certaine rationalité et une certaine volonté de convaincre. Une voix longue assortie d'un langage fluide et voyellisant indique, elle, un plus fort désir de contact avec soi et avec l'autre. En psychophonologie, un diagnostic psycho vocal peut être réalisé à partir de ces éléments : la justesse, les passages entre les graves et les aigus, la clarté sonore, la stabilité et la régularité du rythme et du phrasé, le desserrage vocal, la liberté du corps, la mobilité du hara, l'équilibre entre les consonnes et les voyelles, les intonations, etc.

Cette détermination inscrite dans la voix, le célèbre professeur Le Huche lui a donné le nom de " projection vocale ".

De même, un trouble de la voix n'est pas forcément un problème physiologique. Les expressions populaires nous l'apprennent : " Cela m'a laissé sans voix ", " J'en ai la gorge nouée ", " rester bouche bée " … Certaines dysphonies ou aphonies sont considérées comme des " symptômes de conversion " par les phoniatres.

En somme, la voix nous trahie. 

Elle en dit plus que ce que l'on voudrait dire. 

" Fais-moi entendre ta voix et je te dirai qui tu es ". 

Plus qu'un caractère, la voix exprime une psychologie. 

Et en cela, elle offre des perspectives thérapeutiques à partir de données observables.

De la variété des voix aux voies de la variété

Les variétés de la voix

De nos jours, le chant revient en force dans les loisirs. Dans un monde de stress, beaucoup témoigneront que le chant fait du bien. Les magazines plus ou moins spécialisés s'en font régulièrement l'écho. Nous sommes de plus en plus nombreux à chanter, et pas seulement dans l'intimité de notre salle de bains. Phénomène de mode ? Pas seulement. Chanter permet aussi de nous ouvrir à nos émotions et de les exprimer en jouant sur le registre de notre propre partition intérieure titrait une fois le journal Psychologie.

Car chanter, c'est aussi changer. La voix ne dit pas simplement quelque chose de nous, elle agit sur nous. Mais comment ?

La voix, répond Jacques Bonhomme, est action sur soi. Elle rassemble toutes les techniques de thérapie, car elle procède du corps instrument dans son entier et canalise la pensée qui cherche à prendre corps pour se dire. Placer sa voix, devenir sa voix, trouver sa voix, c'est se trouver, trouver une voie d'accès à soi et au monde.

Marie-France Castarède ajouterait qu'indéniablement, il y a convergence entre l'expérience du chant et celle de la psychanalyse. (…) Par le chant, comme par la psychanalyse, nous retrouvons le temps de l'intimité, le temps privé de notre relation profonde à nous-même et à l'autre. Dans son livre " la voix et ses sortilèges ", son approche psychanalytique se basera sur l'aspect pulsionnel de la voix, notamment évoqué par Freud.

Une variété de méthode

Une variété de méthode

Une large palette de méthodes s'offre aujourd'hui aux amateurs de chant en quête de bien-être. De l'art thérapie jusqu'au développement personnel, chacun peut trouver un " champ sonore " où s'épanouir… où guérir.

Pour la plupart, ce sont des professeurs interpellés par la dimension psychologique pour ne pas dire psychosomatique du chant qui ont mis en place une pédagogie adaptée à leurs problématiques psychologiques. Citons les plus connus, pour ne pas dire les plus reconnus.

  • Le chant tonique d'Yva Barthélémy. Cette chanteuse lyrique travail beaucoup sur la mise en condition physique qui renforce les possibilités de la voix… et ses effets.

  • Le coaching vocal, plus à la mode. La pose de voix pour Lorenzo Pancino est un outil de développement personnel.

  • La syntonie de l'école du Roy Hart Theater. Cette technique psycho-vocale propose un travail sur l'étendue de la voix qui permet de dépasser des blocages, des clivages masculin-féminin et de libérer des énergies affectives.

  • Le chant est d'abord porteur de sens et d'énergie, où la musique vise à relier le cœur de l'homme à l'Harmonie des Mondes et où elle se conçoit comme un art incitatif et puissant plutôt qu'une esthétique rien que formelle. L’école Antique du Souffle et de l'Energie crée par Henri Chef d'Orge.

  • L'analyse de sa mélodie. La méthode de Roland Magnabosco est plus thérapeutique que vocale. La voix permet un diagnostic. Après exploration, le travail vocal doit pouvoir dénouer des nœuds, résoudre des conflits intérieurs… provoquer une anamnèse, elle-même objet d'analyse.

  • Le cri primal. Toujours dans une démarche thérapeutique, Arthur Janov considère l'expression vocale comme première et point de départ. Un travail sur la respiration devrait selon lui libérer un cri exprimant les souffrances les plus enfouies. Mais cela reste du registre de la psychanalyse.

  • A l'école du dévoilement de la voix, Valborg Werbeck-Svärdström a une approche plus empreinte de spiritualité.

  • Marie Louise Aucher, la première à établir des rapports entre les sons, le corps et l'Esprit de l'homme est la fondatrice de la Psychophonie, discipline reconnue grâce à la coopération des professeurs Martiny, Chauchard, Husson, Aubry, Odent, et l'utilisation de ses découvertes en milieu hospitalier. Sa méthode est particulièrement connue par le chant prénatal qui a des effets bénéfiques sur la santé de la maman, mais aussi du bébé.

  • Pour Jacques Bonhomme, fondateur de la psychophonologie, la voix est énergie. Elle nous " recharge ". Musique de soi, elle est instrument d'unité entre le corps et l'esprit, et moyen d'action sur nous-mêmes.

Chaque professeur met l'accent sur un point particulier. Entre la psychanalyse et l'énergétique chinoise, difficile de s'y retrouver. Cependant, ces méthodes plus ou moins complémentaires relèvent d'un même phénomène. Lequel ? Pourquoi un travail sur la voix peut parfois guérir, sinon soulager ou procurer du bien-être ?

L'aspect, sur certains points contradictoires de ces méthodes, laisse penser que le rôle de la voix chez l'homme reste encore un objet de recherche. Tout n'est pas élucidé. A commencer par le mécanisme même de la phonation, autour de ces cordes vocales… qui n'en sont pas d'ailleurs.

Une problématique corporelle

Mais tous reviennent à la problématique du corps. Pour Jacques Bonhomme, le corps dit la qualité de l'esprit. La façon dont je me tiens, dont je marche est également mon rapport psychologique au monde. Il en va de même pour le geste vocal.
Aucune partie du corps, dit D. Hoppenot dans le violon intérieur, ne peut rester étrangère au champ de la conscience sans risquer d'être un jour la cause d'interférences et de désordres qui perturberaient l'équilibre... Une sensation juste et parfaite peut dans l'instant provoquer le résultat positif que des années de travail n'avaient pas réussi à obtenir et ouvrir la voie à d'infinis progrès. Comment ?

Tout démarre quand le corps n'est plus perçu comme un instrument que l'on a, mais comme un instrument que l'on est. A partir de la, l'exploration du corps va devenir un voyage intérieur. Et la fin du parcours, une découverte de sa véritable identité.

La voix est dans le cou, un lieu de passage entre la tête et le reste du corps. Quand la communication y devient difficile, il se fait l'instrument de nos dialectiques, nos oppositions entre l'intelligible et le sensible, le raisonnant et le résonnant, le contenu et le contenant, " ce que je veux dire " et le " comment je le dis ".

Tout est un travail de réunification intérieure. De réconciliation ?

Trouver sa voix en totalité, implique une utilisation du corps tout entier sans serrages musculaires. La voix serrée résulte en effet d'une élévation générale du tonus musculaire strié, et ce lâcher-prise ne peut se faire que si dans l'aventure du placement de la voix, l'homme est bien posé et assis en lui-même, sur sa base, dans son bassin, autrement dit si l'homme est en sécurité. (Jacques Bonhomme)

Jacques Bonhomme propose onze clés pour s'accorder, pour accorder son instrument. Les clés lombo-sacrée (le bassin), thoracique (respiration), laryngée (le vibrato), cervicale, pharyngée (bâillement), buccale (voyellisassions), faciale, gestuelle, récurrentielle (le nerf récurrent), mandibulaire, linguale et nasale, en somme toutes les parties du corps principalement utilisées dans la phonation. Aucune d'entre-elles ne peut fonctionner normalement sans la coopération des autres. Un ordre naturel est donc à retrouver. La nature est bien faite. Il ne faut pas la contrarier, c'est tout.

Une mise à l'écoute

Mais travailler le chant " au corps " en demande davantage. Il faut revenir à la sensation. Qu'est-ce que cela implique ? Une écoute. Une écoute attentive des sons (On notera au passage l'importance du travail réalisé par le Docteur Tomatis sur le rôle de l'oreille dans le corps), de ce qui nous environne, et une écoute active de son corps. Il faut écouter ses émotions bien sûr, mais surtout développer ses sens, nos facultés sensibles. Concrètement, quand on chante un son " juste ", un manque de concentration sur son corps peut rendre difficile la reproduction de ce son… et donc tout progrès vocal. Tout élève doit développer son " schéma corporel vocal " par une prise de conscience de son " geste vocal " (postures, mouvements, et sensations vibratoires). Il doit améliorer ses sens dits "kinesthésiques" ou "coenesthésiques".

Que provoque la sensation ? Qu'induit le développement des sens ?

On doit au Docteur Vittoz d'avoir discerné les raisons de nombreux troubles dits " psychosomatiques " en constatant chez ses patients une instabilité du contrôle cérébrale. Il a démontré, par la " méthode " qui porte son nom, que pour retrouver ce contrôle, et donc guérir, il faut rétablir l'équilibre entre l'émissivité et la réceptivité du cerveau.

L'émissivité est la capacité que nous avons à émettre constamment des pensées, des paroles, des gestes, des images etc. La réceptivité est la faculté que nous avons de recevoir aussi bien les messages du monde extérieur que celles de notre propre corps. Elle se rééduque par la sensation pure, des actes conscients centrés sur les cinq sens.
Pour Vittoz, entendre, c'est recevoir les sons qui parviennent dans l'instant, sans attention forcée et sans désir de capter. C'est, en quelque sorte, se laisser pénétrer par le son.
Le patient doit apprendre à suspendre, sans effort, le déroulement de ses pensées en se plongeant dans la sensation. En se mettant dans une situation de sensation pure, de réceptivité, le cerveau se met automatiquement "au repos", récupère de l'énergie nerveuse alors que la pensée en consomme.

Paradoxalement, ce que Vittoz appelle des actes conscients demande de ne pas penser, mais de sentir. L'acte conscient doit être décidé puis senti. En vivant dans la sensation des " actes conscients ", le sujet apprend à vivre le moment présent, sans retour sur le passé pour les scrupuleux et sans anticipation vers l'avenir pour les anxieux.

Pour ce qui est de l'émissivité, les exercices de ce docteur helvétique proposent un travail sur la concentration et la rééducation de la volonté. Dans un contexte de détente, le patient est amené à diminuer son " vagabondage cérébral " pour acquérir une attention fluide et disponible.

A cause des " inductions " de détente et de " lâcher prise " qu'elle provoque, on a souvent réduit cette méthode à de la relaxation psychosensorielle. Or, bien plus que cela, elle aboutit à un état amélioré de présence à soi, aux autres et au monde.

Celui qui aura travaillé un tant soit peu le chant verra facilement les correspondances entre ces exercices et la pratique vocale. Développer les potentialités de sa voix demande une réappropriation de son corps, une " incarnation ".
Cependant, une technique vocale ne peut remplacer cette thérapie. Dans le chant, on ne travaille que sur deux ou trois sens, et non cinq, et d'autre part, le professeur, s'il est sensible à cela, n'a que la qualité du son de la voix pour mesurer le degré " d'incarnation " de l'acte conscient de son élève. Tandis que, de son côté, le Docteur Vittoz a mis en évidence " l'onde cérébrale " que le thérapeute mesure pour évaluer la progression de son patient. Le professeur de chant n'a pas cette compétence.

Chanter est plus qu'une philosophie

Chanter est plus qu'une philosophie

Pour le philosophe, ce retour aux sens, même dans le chant, renvoie à la problématique de la connaissance.

En distinguant des opérations vitales, malgré l'unité substantielle de la personne, le philosophe identifie des modes de connaissances. D'une certaine manière, chaque niveau de vie a besoin de " sa propre nourriture " : du pain pour mon ventre, des matières " sensibles " pour mes sens, jusqu'à l'être, la quiddité, pour mon intelligence. Et toute connaissance se fait par la sensation, mais elle mobilise ces trois niveaux de vie différents : la vie spirituelle, la vie à la fois sensible et affective, et la vie physique.

La connaissance implique donc un acte de retour au réel que le métaphysicien appelle jugement d'existence. Ce jugement d'existence, en rendant relatif à la réalité, nourrit non seulement les sens mais encore unifie la personne, ou du moins renforce l'unité des opérations vitales.

En somme, sans faire de développement, le philosophe reconnaît simplement au Docteur Vittoz d'avoir démontré que nous sommes faits pour le réel. Et c'est le réel, l'autre, ce qui est, qui nous unifie. On rejoint alors cette modalité particulière que le métaphysicien appelle l'acte : Ce en vue de quoi ce qui est, est. La finalité.

Mais faut-il ce détour philosophique (certes un peu sommaire) pour comprendre la réalité du chant ? Comment alors expliquer pourquoi des chanteurs néophytes redécouvrent parfois le sens de leur vie, vivent parfois des changements radicaux qu'ils attribuent eux-mêmes à leur pratique vocale ?

Le professeur Chauchard, sur un autre registre, confirme avec plus de force les incidences de ces formes de psychothérapie corporelle. " Etre présent à son corps ", " la réalité ", " la paix ", on retrouve ces mots sous la plume de ce neurophysiologiste. Dans l'introduction du livre " En corps chanté " en décrivant l'intérêt de la Psychophonie, ce chercheur va jusqu'à dire que pour agir et penser correctement, il faut écouter son corps. Et écouter son corps, c'est l'opposé de " s'écouter ", écouter ses fausses imaginations. Il faut recevoir, prendre contact avec les lois les plus secrètes de notre être, ce qui est, au fond, notre noyau de tendresse et d'amour. Et ceci est une essentielle dimension mystique. (…) une mystique du corps présent au monde, une mystique de cette présence aux secrets du corps et du monde, qui est précisément l'amour. (On n'est pas loin des problématiques abordées au début de cet article)

aut-il en conclure que la voix nous relie au corps et le corps à nos réalités profondes ?

Mais, qui aurait la prétention de comprendre l'homo vocalis ? La voix cristallise des réalités multiples : la réalité du corps, du langage, de nos affects, de nos pensées… et n'en révèle que le degré d'unité. La voix libère mais aussi structure l'homme en devenir qui se sculpte par sa propre phonation, dit Jacques Bonhomme, elle est aussi le témoin et l'artisan de l'unification de l'homme en devenir.

Une voix " juste ", n'est-elle donc pas une voix " ajustée " à la Vie qui est en nous ?

Identité, la voix n'a d'autre mystère que celui de notre propre humanité.

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