L'application de l'art à des fins thérapeutiques n'est pas un concept nouveau. La Grèce antique, tout comme la plupart des cultures traditionnelles, considérait que les arts avaient un effet cathartique et thérapeutique. Au début du XXe siècle, le psychiatre suisse Carl G. Jung (1875-1961) avait déjà lui-même expérimenté les bienfaits de l’expression par le dessin. Il a ensuite intégré cette approche dans sa pratique. Toutefois, l'art-thérapie n'a fait son entrée officielle dans la société contemporaine que vers les années 1930. Elle s'est d'abord introduite en Angleterre et aux États-Unis grâce à Margaret Naumburg, enseignante et psychothérapeute reconnue comme l'une des pionnières dans le domaine. Par ailleurs, il est intéressant de faire un parallèle entre l'art-thérapie et l'art brut, un mouvement lancé en 1945 par le peintre français Jean Dubuffet, à cause de la similarité du processus créatif qui vise essentiellement l'expression spontanée et personnelle (voir Sites d’intérêt).
Au Canada, parmi les thérapeutes ayant contribué à l'intégration de l'art dans le cadre de traitements psychiatriques, mentionnons Martin A. Fisher qui a fondé, en 1967, le Toronto Art Therapy Institute et, en 1977, la Canadian Art Therapy Association. Au Québec, le premier cours d'initiation à l'art-thérapie remonte à 1979 et, dès 1982, un programme universitaire de maîtrise est mis sur pied. En France, en dépit des programmes de formation offerts depuis les années 1970, l'art-thérapie n'est pas encore très répandue. L'Angleterre est le premier pays européen où la profession a été reconnue par les Services de santé publique, en 1997. En Allemagne, les assurances couvrent, dans certains cas, les frais de prise en charge, tandis que dans la plupart des autres pays européens, le travail de reconnaissance professionnelle reste à faire.
Le titre d'art-thérapeute n'étant pas protégé, n'importe qui peut s'afficher art-thérapeute sans formation particulière. Au Québec, le titre « d'art-thérapeute professionnel du Québec (ATPQ) » est toutefois réservé aux titulaires d'une maîtrise en art-thérapie ou d'un diplôme universitaire équivalent approuvé par l'Association des art-thérapeutes du Québec. Il existe de nombreuses associations professionnelles d'art-thérapie dans le monde qui veillent à promouvoir et à contrôler les normes de formation et de pratique, entre autres la Canadian Art Therapy Association, l'American Art Therapy Association ainsi que la Fédération française des art-thérapeutes.
Applications thérapeutiques de l'art-thérapie
De façon générale, l'art-thérapie s'adresse à toute personne souhaitant entreprendre une démarche de croissance personnelle. L'approche s'apparente à une psychothérapie ou à une consultation psychologique classique à quelques importantes différences près. Tout d'abord, elle privilégie un mode d'expression autre que le langage verbal. Ensuite, en plus de permettre des prises de conscience, elle peut elle-même être une source de libération, un révélateur ou un catalyseur à l'intérieur du processus de transformation. Enfin, c'est une approche dynamique qui favorise l'éveil du potentiel créatif, l'affirmation de soi et qui entraîne souvent un sentiment de bien-être, d'autonomie et de liberté.
L'art-thérapie est une pratique très répandue dans les secteurs de la santé. On l'utilise comme mode d'intervention en psychothérapie, particulièrement chez les sujets ayant de la difficulté à exprimer ce qu'ils ressentent par la parole, avec les enfants en bas âge ainsi qu'en physiothérapie pour développer une meilleure confiance en soi et favoriser la réhabilitation. L'approche peut être un outil d'accompagnement efficace pour aider à résoudre un grand nombre de problèmes reliés à des troubles d'apprentissage et de comportement, des traumatismes importants, des difficultés d'adaptation, des problèmes de dépendance et de suicide, des conflits de travail ou personnels, etc. L'approche peut aussi être utile pour induire de l’empathie chez les professionnels de la santé et favoriser une meilleure communication avec leurs patients.
Recherches
Bien que peu d’études scientifiques bien contrôlées aient été publiées sur l’art-thérapie, voici les principales références relatives à son efficacité.
Améliorer la qualité de vie des personnes âgées. Une étude aléatoire avec groupe témoin a été menée auprès de 40 personnes âgées de 70 ans à 97 ans. Les résultats révèlent qu’une intervention d’art-thérapie basée sur l’observation d’oeuvres d’art améliore le bien-être émotionnel et divers paramètres physiologiques (pression artérielle, fatigue, douleur, etc.)17. Dans une autre étude, des personnes de 60 ans à 86 ans ont participé, pendant 1 mois, à une des trois démarches suivantes : séances de théâtre, discussions à partir d’oeuvres en arts visuels, ou aucune intervention. Les personnes âgées ayant suivi les sessions de théâtre ont amélioré de façon significative leurs fonctions cognitives et leur bien-être psychologique comparativement aux deux autres groupes, et ces améliorations étaient maintenues après 4 mois.
Aider les patients atteints de cancer. Les résultats d'un essai avec groupe témoin, mené auprès de 32 enfants leucémiques de 2 ans à 14 ans, indiquent qu’une approche d’art-thérapie combinant dialogue, imagination visuelle, jeux et dessins, induit des comportements positifs avant, pendant et après une intervention médicale douloureuse comme une ponction lombaire ou de la moelle osseuse, comparativement à un groupe sans ce type de soutien.
Les résultats de récentes études cliniques auprès de femmes ayant reçu un diagnostic de cancer révèlent qu’un programme d’art-thérapie diminue les symptômes de détresse psychologique et améliore la qualité de vie comparativement à des femmes de groupes témoins.
De plus, une étude pilote a testé l’art-thérapie auprès de 69 aidants familiaux de patients souffrant de cancer. Ils en sont venus aux mêmes conclusions, soit que la pratique de l’art-thérapie réduirait les niveaux de stress et d’anxiété et, surtout, procurerait des moments de divertissement et de créativité.
Même si d’autres essais bien contrôlés sont nécessaires afin de confirmer son efficacité, l’art-thérapie semble prometteuse pour améliorer le bien-être, favoriser la communication et aider à gérer les conflits émotionnels relatifs au cancer.
Réduire le stress et l’anxiété. D'après les résultats d’une étude aléatoire menée auprès de 36 étudiantes en sciences infirmières, une séance d’art-thérapie incluant dessins, peinture, écriture et collage pourrait être bénéfique afin de réduire le stress et l’anxiété et favoriser des émotions positives.
Aider les personnes atteintes de schizophrénie. Il a été avancé que l'art-thérapie pouvait contribuer à aider les personnes souffrant de troubles psychiatriques. Toutefois, les auteurs de deux revues systématiques ont convenu qu’étant donné le petit nombre d’études ainsi que la qualité insuffisante des protocoles, aucune conclusion définitive ne pouvait être tirée à propos de l’efficacité de cette approche pour les personnes atteintes de schizophrénie.
Aider les personnes souffrant de trouble de stress post-traumatique.L’auteur d’un article scientifique regroupant des études de cas et quelques études cliniques a étudié la contribution de l’art-thérapie au traitement du stress post-traumatique. Selon le chercheur, l’art-thérapie pourrait aider les personnes, qu’elles soient victimes ou témoins, à mieux gérer l’ensemble de leurs symptômes de stress post-traumatique d'ordre physique, cognitif, émotif et comportemental.
L'art-thérapie en pratique
Une session d'art-thérapie se déroule individuellement ou en groupe, dans un endroit convivial qui ressemble plus souvent à un atelier d'art qu’à un cabinet de thérapeute. Avant d'entreprendre le travail de création, le thérapeute cherche à définir les motifs et les objectifs qui amènent le participant à suivre une thérapie afin de mieux le guider dans son processus de recherche intérieure. Puis, il lui donne des conseils d'ordre technique relatifs aux matériaux choisis et l'encourage à s'exprimer le plus spontanément possible en représentant visuellement ce sur quoi il a décidé de s'investir.
Bien que l'art-thérapie comporte une dimension verbale, le travail d’expression artistique demeure central à la démarche. C'est l'image qui sert de fil conducteur. Par exemple, la personne qui suivrait une thérapie dans le but de résoudre une relation conflictuelle pourrait, au départ, peindre la douleur qu'elle ressent. Graduellement, elle parviendra à peindre un tableau renouvelé de la situation et pourra finalement voir se dessiner une solution inédite. Au début, cela peut paraître difficile à cause de notre tendance à analyser le moindre de nos gestes. Mais peu à peu, guidé par le thérapeute, on en vient, à force d'exercices, à s'exprimer plus librement. C'est en observant la manière de structurer l'espace, de disposer les formes, d'utiliser les couleurs, d'associer les idées qu'on parvient à donner un sens à sa création et à s'en inspirer pour effectuer les changements désirés dans sa vie.
Un des aspects intéressants de l'art-thérapie est que, contrairement à la parole, les images demeurent. Ainsi, dans le cadre de la thérapie, si un individu en venait à tout remettre en question, le thérapeute pourrait lui faire voir le chemin qu'il a parcouru en exposant l'ensemble de ses travaux. Le rôle du thérapeute n'est pas d'interpréter le travail créatif, mais de soutenir le sujet dans sa transformation et de l'accompagner d'une production artistique à l'autre afin qu'il en arrive à une plus grande clarté.
La durée d'une thérapie est variable. Il se peut que quelques séances suffisent à cerner le problème. La thérapie peut aussi s'étendre sur un plus grand nombre de rencontres.
Divers ateliers de groupe sont offerts par des enseignants, des art-thérapeutes, des artistes professionnels et des psychologues. Si les intervenants ne sont pas membres d'une association professionnelle d'art-thérapeutes, assurez-vous de leur compétence en psychothérapie. On a beau être un excellent artiste, on ne s'improvise pas psychothérapeute. Les ateliers sont généralement offerts dans des centres de croissance, des centres communautaires et des établissements offrant une formation en thérapie par l'art.
L'art-thérapie se pratique dans une grande variété de contextes, notamment dans les hôpitaux psychiatriques, les établissements de soins de longue durée, les centres de rééducation, les centres de réadaptation pour personnes alcooliques et toxicomanes, les centres de jeunes délinquants ainsi que dans les milieux correctionnels, les résidences d'aînés et en pratique privée. À Montréal, plusieurs hôpitaux, surtout anglophones, disposent d'un service d'art-thérapie. Le premier fut mis sur pied par Marie Revai à l'Hôpital Royal Victoria dans les années 1950.
Formation en art-thérapie
Des programmes universitaires de formation en art-thérapie sont offerts à la maîtrise, un peu partout dans le monde. Pour être admissible, il faut détenir un baccalauréat en sciences humaines ou l'équivalent.
Certains établissements offrent des programmes courts de deuxième cycle en art-thérapie. Pour y être admis, l'étudiant doit être titulaire d'un baccalauréat ou d'un diplôme équivalent dans le domaine de l'intervention psychosociale, de la santé, de l'éducation ou des arts.
Avant de s'inscrire à un programme de formation en art-thérapie, il est recommandé de consulter une association professionnelle d'art-thérapeutes afin de déterminer si leurs exigences professionnelles correspondent au programme de formation choisi. Au Québec, l’Université Concordia offre une maîtrise en Arts, option art-thérapie; et l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, un diplôme d’études supérieures spécialisées en art-thérapie (voir Sites d’intérêt).
Livres, etc.
Il existe des centaines d'ouvrages sur le sujet, en voici quelques-uns. Voir aussi le site de l’AATQ.
Boyer A. Manuel d'art-thérapie. Privat, France, 1992.
Un manuel didactique et théorique. L'auteure a une formation européenne, mais a aussi rencontré des praticiens américains. Il fait un lien entre les différentes approches.
Capacchione L. Faites vivre votre enfant intérieur : Jeu, dialogue et art-thérapie. Stanké, Canada, 1994.
Une bonne introduction à l'art-thérapie.
Duchastel Alexandra. La voie de l'imaginaire : le processus en art-thérapie. Éditions Quebecor, Canada, 2005.
L'auteure est psychologue et art-thérapeute. Son ouvrage propose un certain nombre d'exercices, sans être à proprement parler un manuel d'art-thérapie. Il vise plutôt à susciter une réflexion de fond sur la manière d'aborder et d'apprivoiser le pouvoir guérisseur de l'art, de l'imaginaire et du corps.
Hamel Johanne. De l'autre côté du miroir. Le Jour, Canada, 1993.
Art-thérapeute et psychologue, Johanne Hamel propose, à l'aide de nombreux exemples, une méthode de croissance personnelle par le rêve. L'auteure est fondatrice et directrice du Centre de ressourcement par les arts et la nature à Sherbrooke.
Jobin Anne-Marie. Le journal créatif : À la rencontre de Soi par l'art et l'écriture. Éditions du Roseau, Canada, 2002.
Un ouvrage pour explorer son intériorité par l'écriture et le dessin.
Klein J.-P. L'art-thérapie. Éd. Hommes et perspectives, France, 1993.
L'auteur considère plusieurs arts d'expression - la danse, la musique, la poésie et les arts visuels. Un livre intéressant qui présente les possibilités de chacune des approches thérapeutiques par l'art.
Kramer E. Art as Therapy with Children, Schocken Books, États-Unis, 1971.
Un manuel d'art-thérapie abondamment illustré dans lequel l'auteure démontre sa manière de travailler avec des enfants présentant une variété de problèmes. Un classique de base, Kramer étant une des pionnières de la profession aux États-Unis.
McNiff Shaun. Depth Psychology of Art. C.C. Thomas, États-Unis, 1989.
Un des grands auteurs américains sur l'art-thérapie. Ce traité démontre le lien étroit et essentiel entre l'âme et l'art. Il comporte un chapitre illustrant sa démarche personnelle en art réalisée à un moment important de sa vie.
Rodriguez Jean, Troll Geoffroy. L'art-thérapie : Pratiques, techniques et concepts. Ellébore, France, 2001, 2e édition.
Réalisé par deux praticiens en art-thérapie, l'ouvrage regorge d'informations sur le sujet : plus de 396 auteurs cités.
Royol Jean-Pierre. Art Thérapie - Quand l'inaccessible est toile, Dorval Éditions, France, 2008.
L’auteur, psychologue clinicien, s’appuie sur une expérience de plus de 30 ans en milieu hospitalier. Il présente l’art-thérapie avec rigueur et poésie à la fois.